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22 juin 1916: Bombardement de Karlsruhe

Neuf avions bi-moteurs rotatifs G 4 de l'escadrille C 66 sont partis pour bombarder Karlsruhe en représailles aux nombreux bombardements allemands opérées sur les villes de l’Est.
« Soudain, le silence s'est fait!
En quelques mots très simples, le capitaine nous souhaite bonne chance, il est ému. Que restera-t-il ce soir de sa belle escadrille dont il se montre si fier. La reverrat-il, seulement?
Et c'est un peu comme son testament de soldât qu'il nous laisse avant le départ.
Midi moins dix !
Nous nous entassons tous dans les deux voitures légères qui nous amènent au pied des appareils!;-
Et nos avions quittent le sol, appesantis par leur charge d'obus et d'essence pour aller venger les morts innocents de Bar-le-Duc...
Je monte avec G..., calme comme à l'ordinaire ! Il est sûr de lui, et j'ai confiance !
Le passage des lignes s'est bien effectué. Nous ne sommes que huit, A peine décollé, Rap... a été forcé d'atterrir : un de ses moteurs l'a abandonné!
Mais, à vingt kilomètres en Allemagne, nous avons vu avec surprise, voguant au-dessous de nous, le vieil avion-école qui ne sert plus qu'à l'entraînement.
Rap... n'aurait voulu, à aucun prix, manquer la fête... et il est venu, comme il a pu, sur ce « taxi » de fortune...
Le petit M..* est avec lui, et j'aperçois sa  mince silhouette traçant dans le ciel un grand geste joyeux!
Cette Forêt-Noire n'en finit plus. A droite, à gauche, devant, derrière, des bois, encore des bois, sombres et menaçants comme un océan figé, aux longs reflets d'encre.
Il ne ferait pas bon avoir la panne ici !
Mais déjà, au lointain, le filet bleu du Rhin brille entre les collines, etc'csl pour nous, pauvres nautôniers, bien faibles dans la tempête, et loin déjà du rivage, c'est un peu comme la lumière qui tremblote lointaine à l'entrée du port.
Et pourtant, les demi-heures succèdent aux demi-heures ; le Rhin file déjà au-dessous de nous comme un serpent mort étendu dans la mousse, et Carlsruhe n'est pas encore en vue...
Nos yeux s'écarquillent vers l'horizon de grisaille où la ville va se dessiner tout à l'heure.
Les minutes sont longues, lourdes de pensées et grosses d'émotions... Comme on se sent seul, suspendu au-dessus de cet immense pays ennemi, par le mécanisme délicat et fragile de ses deux moteurs.
Pour l'instant, les nôtres tournent à merveille !
Nos neuf avions sont bien groupée. On se sert les coudes ! Et pourtant que pouvons-nous les uns pour les autres, maintenant que nous voilà lancés, par cette course fatidique, dans la solitude de ce ciel où le salut n'est que dans la fuite ininterrompue, ...où l'on ne trouve la stabilité que dans l'instable!
Pauvres grands fous que nous sommes, si impuissants à lutter contre les jouets que notre science a créés et qui nous emportent avec nos espoirs, en attendant qu'ils nous ensevelissent sous leurs débris dans un ressaut de force aveugle!
Carlsruhe semble sommeiller là-bas dans un lit de brume d'où surgissent des flèches; des toits, des coupoles.
Trois heures ! Ce n'est pourtant pas l'heure où l'on dort et cette image est menteuse.
C'est dimanche! il doit y avoir beaucoup de monde dans les rues: des femmes, des enfants qui se promènent et des gens paisibles qui sortent des vêpres ou du spectacle.
Je recule un instant devant la réalité terrible!
Sommes-nous moins cruels que nos ennemis?
Mais une autre image se dresse devant moi ; celle des quatre-vingts morts de Bar-le-Duc, des femmes, des enfants aussi, horriblement mutilés par des obus empoisonnés!
Ils ont tué, nous tuerons!
Nous sommes au-dessus de la ville, tous les neuf, et nous tournoyons un instant comme des éperviers au-dessus de leur proie»..» Puis les quarante-cinq bombes se décrochent une à une.
Justice est faite !
Il me semble que je respire plus librement, à présent que chaque minute me rapproche de Francel
Et pourtant, voici maintenant que l'épreuve commence...
Presque sur la ville, nous avons vu l'une des hélices d'un de nos appareils —celui de Fo...et du capitaine F. — s'arrêter soudain.
Et l'avion s'est mis à descendre tout doucement, vers la captivité !
Que faire, que faire, sinon les suivre désespérément des yeux, pauvres points noirs, si lointains, déjà perdus!...
Nous ne sommes plus que huit!
Le vent s'élève, notre marche devient de plus en plus lente!
Au-dessous de nous, des croix noires passent et repassent, menaçantes; mais elles n'atteignent point à notre hauteur!
Pourtant une inquiétude nous serre le coeur.
Nous avons vu tout à l'heure un.de nos avions voler péniblement au-dessous do nous... et puis, subitement, il a disparu»», et nos yeux ont fouillé en vain la brume du soir commençant!
Malheur à lui, s'il est tombé seul entre les serres de ces oiseaux de proie qui nous attendent et nous suivent avec l'acharnement des vautours affamés guettant la chute des voyageurs harassés dans l'immensité des déserts!
Plus que sept!
Une manoeuvre mal suivie nous a séparés en deux groupes avant de passer le Rhin !
Et nous ne sommes plus que quatre : le capitaine, Rap.... l'abbé et nous!
Le vent souffle de plus en plus violent ; notre vitesse est bientôt réduite de moitié; alors une nouvelle inquiétude nous étreint: aurons-nous suffisamment d'essence pour tenir jusqu'aux lignes? Cinq heures ont déjà passé depuis notre départ. Nos têtes s'alourdissent, notre respiration devient plus haletante, et ce malaise augmente à chaque secousse de notre avion qui lutte courageusement dans le vent! Mais il faut tenir!...
Il faut tenir! Nous voici presque aux lignes!
Qu'est-ce que 40 kilomètres?
Quarante kilomètres, c'est trop pourtant!
A son tour, l'avion de l'abbé a soudain piqué du nez. Un moteur arrêté, le pilote cherche encore à nous suivre, en allongeant son vol tandis que le prêtre, d'un geste triste comme un sanglot, et qui ressemble à une bénédiction, nous fait de la main un dernier adieu!
Puis, nous le voyons jeter par-dessus bord les pièces de sa mitrailleuse, qu'il démonte d'une main calme!
Inutile de lutter, leur tâche est finie mais leurs souffrances commencent !
Plus que trois!
Enfin tout là-bas, à notre gauche voici Lunéville, à notre droite Toul. Les lignes approchent. Nous bénissons presque les obus qui éclatent près de nous avec des aboiements de dogue mécontent semblables à ceux dont nous saluaient les forts de Metz»
Tirez, tirez! Voilà la France proche!
(Charles Delacommune, L’escadrille des éperviers. 1918)
Au retour l'avion du maréchal des logis Bousquet (Observateur caporal Mauléon) est abattu en flammes. Deux équipages sont faits prisonniers: le caporal Fournet (pilote et le caporal Faye (observateur ainsi que le sergent Seitz (pilote) et le lieutenant Mirabail (prêtre observateur mitrailleur).

 

 


 

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