Les prémices6 septembre7 septembreLa MF 16 dans la bataille |
La 6e Armée est créée le 26 août 1914 à la suite de la dissolution de l’Armée de Lorraine. Elle est constituée de manière un peu hétéroclite à partir de forces provenant de la 1ère et de la 3e armées ainsi que de la réserve. Depuis l’entrée en guerre l’aviation s’efforce de remplir les missions qui lui sont confiées tout en faisant face à une certaine impréparation et à une certaine suspicion sur ses capacités. L’aviation de la 6e armée n’échappe pas au sort commun.
28 août. Le Général Commandant en chef à Monsieur le Général Commandant la VIème Armée. J'ai décidé de constituer un service d'aviation à la VIème Armée sur les bases suivantes: 1°- Personnel de la Direction du Service - le même que celui qui avait été désigné pour l'Armée de LORRAINE. 2° - Escadrilles: -escadrille R 15 prélevée sur la Vème Armée, -escadrille MF 16 prélevée sur la IIème Armée. De plus, deux appareils MF 85 HP et un appareil spécial monté par l'aviateur FOURNY viendront directement de l'Arrière. Tout ce matériel sera dirigé sur Montdidier. 3° - 1ère Réserve de ravitaillement. Sera constituée à la gare régulatrice de ROUEN; des ordres sont donnés à cet effet. P.O. Le Général Aide Major Général, signé Berthelot.
Le 2 septembre, le P. C. du général Maunoury et le terrain d’atterrissage des escadrilles MF 16 et REP 15 furent portés à Ecouen. Le lieutenant Prot de la MF 16, rapporte : « Le 2 septembre, je m'installe au nord d'Écouen, près du P. C. de l'armée. Mes reconnaissances montrent de façon évidente que le gros des Allemands a franchi l'Oise à Verberie et en amont, en direction du sud-est, mais, en fin de marche, leurs têtes de colonne sont orientées au sud, vers Paris. Le commandant D (Dutilleuil)., qui connaît par le G. Q. G. la directive du 27 août dirigeant Kluck vers la basse Seine, refuse de me croire et m'ordonne d'explorer la zone à l'ouest de l'Oise (Mantes - Beauvais), où il est sûr que se trouvent les Allemands ... » (Archives Prot). Les reconnaissances sur le secteur Ecouen – Beauvais – Amiens – Noyon - Verberie montraient que le gros de l'armée von Kluck atteignait l'Oise, de Verberie à Pont-Sainte-Maxence, couvert par des éléments avancés sur le Thérain, vers Senlis et vers Crepy, mais elles n’étaient pas jugées fiables. Le 3 septembre, trois séries de reconnaissances furent lancées: au lever du jour, entre 11 heures et 12 heures, puis vers 16 heures. La reconnaissance du lieutenant Prot avec le lieutenant Hugel explore l’itinéraire Dammartin en Goële, Nanteuil le Haudouin, Crepy en Valois, Bèze Saint Souplet. Altitude 1 950 mètres. « Départ à 8 heures par temps très beau. Je suis la route Gonesse, Dammartin, Manteuil, pensant y retrouver les avant-gardes allemandes signalées la veille comme s'étant arrêtées à hauteur de Nanteuil-le-Haudouin. A mon grand étonnement, je ne vois absolument personne sur cette route. A Manteuil premières troupes allemandes. Elles ont dépassé le village, mais près de la route de Bregy - Meaux. Les éclaireurs de pointe sont vers Senneviere. Encombrement dans le village où une colonne est arrêtée pour laisser passer celles qui s'engagent sur la route de Senneviere. Sur les routes Manteuil - Crepy, Manteuil - Levignen, gros encombrement. Troupes au repos. Parcs de toutes sortes. Il semble qu'il y ait embouteillage; à Levignen, autre colonne dont la tête s'engage à Betz. La vallée de l'Ourcq étant donnée à une autre reconnaissance je reviens par le même chemin et vérifie mes premières constatations. Je reviens atterrir à Tremblay lès Gonesse, P C du Q G de la VIème armée. En descendant d'avion, je dis à mon observateur: « Vous avez vu c'est curieux », voulant lui signaler par là ce qu'il y avait de curieux à voir l'armée allemande changer de direction. Il me répond: « Je vais faire mon rapport ». Les autres avions Farman étant encore à Ecouen, le capitaine Bellenger leur envoie l'ordre d'aller bombarder les rassemblements ennemis entre Nanteuil - Vaumoise, puis vient sur le terrain et me parle de ces rassemblements. Je lui dis alors que ce qu'il y a de plus intéressant c'est ce changement de direction des armées ennemies. Il me répond étonné que le lieutenant Hugel ne lui en a pas parlé. Je lui donne alors tous les détails et vais avec lui les donner au commandant d'artillerie Dutilleul. » (Archives Prot). Cinq autres reconnaissances (2 Rep et 3 Farman) furent envoyées dans l'après-midi pour vérifier ce fait qui fut reconnu exact. Le soir toute l'escadrille rejoint Vincennes ainsi que l'escadrille Rep 15. » « Le 3 au matin la MF 16 confirme que les colonnes de Kluck filent vers le sud-est et que les routes allant de Crépy-en-Valois et de Senlis vers Nanteuil-le-Haudouin et à l'est sont encombrées de troupes et de parcs. Il ne peut plus être question d'une attaque sérieuse sur Paris. Je saute en auto avec mes équipages chez D. [Dutilleul], qui, une fois de plus, se refuse à accorder foi à leurs témoignages. Même attitude du chef d'état-major ... Estimant n'avoir pas le droit de laisser ignorer un changement si important de l'aile droite allemande, je guette en vain l'arrivée de Gallieni et de Maunoury, et offre mon information à qui veut l'entendre: c'est le cas des officiers de liaison de French et de Gallieni, qui avertissent aussitôt leurs chefs ... ». (Archives Prot). Le 4 septembre l’escadrille MF 16 fait trois reconnaissances: Le caporal Touret vole sur la zone Crepy en Valois -Senlis – Nanteuil, le lieutenant Cesari observe le secteur de Château Thierry et le lieutenant Prot fait son rapport au retour. « Je pars en reconnaissance seul à 14 heures. Itinéraire: Manteuil le Haudouin, Villers Cotterets, Betz. Retour 16h30. Altitude 2 300 mètres. Les colonnes ennemies continuent à défiler devant la VIème armée qui lave son linge dans toutes les rivières de la région. Je vais faire mon compte-rendu au Raincy. Signalé une flanc-garde notée exactement sur une carte du premier au dernier homme. Le commandant Dutilleul me fait remarquer qu'il n'existe pas de flanc-garde de cette longueur. » (Archives Prot)
6 septembre Faisant confiance aux aviateurs, le général Maunoury attend qu’ils le renseignent sur les mouvements allemands en particulier sur l’Ourcq et dans la vallée de la Marne. Le Journal des marches et opérations de l’Aéronautique la 6e armée consigne les rapports : « Escadrille MF 16 : Départ de Vincennes pour Campans la Ville. Reconnaissances: Caporal Touvet. Meaux - Betz – Montmirail. Lieutenant Cesari, Soldat Jaguenaud, Lieutenant Prudhommeau: Reconnaissances offensives avec obus de 155 vers Meaux et les ponts de la Meuse - l'Ourcq. Durée 1h 30. Sergent Mouillères, seul. Fléchettes. Château Thierry et l'Ourcq. 2h 30. Toute l'escadrille MF 16 se transporte à Compans et fait ses reconnaissances. L’aviation, poursuivant ses reconnaissances, confirme et précise les mouvements ennemis vers le nord : des effectifs importants franchissent, vers 11 heures, la Marne aux ponts de Mary et de Germigny et de gros rassemblement sont aperçus à Chambry, Etriépilly, Trocy et Plessis-Placy ». Les « reconnaissances offensives » ajoutent aux observations des « bombardements » par jets de « balles Bon » ou fléchettes et lâchers d’obus de 155 grâce au système mis au point par le mécanicien Vaubourgeix. Le lendemain 7 septembre les reconnaissances de l’escadrille MF 16 sont les suivantes : « Caporal Touvet, pilote, capitaine Balsan, observateur. Meaux - La Ferté s/ Jouarre - Villers-Cotterêts. Lieutenant Cesari, pilote. Reconnaissance sur l'Ourcq. Lieutenant Mouillères. Reconnaissance avec fléchettes vers Château-Thierry. 2h. Caporal Touvet, poursuite avion ennemi. Sergent Prudhommeau. Compiègne, Château-Thierry. 2h 30. » Vers 11 heures, les rapports des aviateurs de la MF 16 apportent des renseignements précis : — à 9h15, la région Meaux, Trilport, Changis, Courtacon était vide d'ennemis; les ponts de route étaient coupés, seuls les deux ponts du chemin de fer d'Armentières et de Courtacon étaient intacts. — à 9h55, au nord de La Ferté-sous-Jouarre, dans la région les Essarts, Cocherel, Chatou, Coulombs, se trouvaient des effectifs importants au repos, environ une division d'infanterie; des troupes se portaient de Cocherel sur Lizy. — à 10h20, un aviateur observait à la Ferté-Milon, un gros parc et une colonne de 6 à 7 kilomètres allant vers le sud-est, un gros rassemblement au nord de Saint-Quentin (sud de la Ferté); à Passy-en-Valois une petite colonne de cavalerie allant vers le sud-est; à Varinfroy, de l'infanterie, de l'artillerie, des parcs; une colonne marchait sur Lizy-sur-Ourcq où se tenait déjà un régiment de cavalerie environ et de l'infanterie au repos.
Le Lieutenant Prot part sur l’itinéraire Lizy sur Ourcq, Mary sur Marne et retour à 9 heures au P.C. à Saint-Soupplets. « Je pars avec mon mécanicien, les observateurs n'étant pas encore réveillés. Observation à la jumelle d'ailleurs facile, l'avion bien réglé permettant de lâcher les mains et d'observer ». L’après-midi il est « mis à 15 heures à la disposition du 4e corps dont je vais prendre les ordres où j'atterris sur un terrain occupé le matin par des fantassins boches Le commandant de l'artillerie me fait demander de rechercher où est la batterie de gros calibre qui tire sur ses troupes à l'est de Nanteuil. Je pars seul et vois la batterie en position à l'intérieur de Betz. Suis poursuivi à deux reprises par un avion Taube. Retour à Compans et à Vincennes. » 9 septembre
Les reconnaissances aériennes effectuées signalent: —entre 11h15 et 11h45, une division au moins échelonnée à l'ouest de l'Ourcq, entre Lizy-sur-Ourcq et la grand-route de Meaux à Villers-Cotterêts, —2 ou 3 bataillons rassemblés à Véndrest, —un gros parc et de petites colonnes marchant vers l'ouest, à Coulombs, —un rassemblement de 2 ou 3 bataillons au sud d'Hervilliers, —rien dans la région Montigny-l'Allier, Saint-Quentin sur-Ahand , —une division en colonnes parallèles, qui, au nord-est de Betz, semble marcher vers le nord-est, —un groupe d'artillerie en batterie face au sud, au sud-est de Cuvergnon; —entre 11h45 et 12h15, une brigade rassemblée vers Rouvres, —des forces ennemies dans le bois de Lévignen —une brigade très dispersée qui semble se retirer vers le nord, dans la région de Cuvergnon, la Villeneuve-sous- Thury, —rien sur les routes allant de Brumetz, Saint-Quentin-sur-Alland et Neuilly-Saint-Front vers l'ouest, ni dans Villers-Cotterêts et sur les routes de la forêt, —quelques troupes éparses autour de Verberie où un pont a été construit mais ne paraît pas utilisé, — aucune circulation entre Verberie et Crépy-en-Valois; —entre 13 et 14 heures, un régiment au nord d'Ormoy semblant marcher vers Senlis, —une compagnie d'infanterie allemande sortant du bois du Val (entre Nanteuil et Versigny) et marchant vers la voie ferrée à l'ouest. —le quadrilatère Crépy-en-Valois, Rully, Verberie, Bethancourt vide, — une brigade rassemblée au sud de Russy-Bémont (est de Crépy) contre le bois du Tillet, — un régiment d'infanterie, un régiment de cavalerie et un groupe d'artillerie, sur les hauteurs de Rozières et vers Baron, marchent sur Nanteuil et rien sur les routes dans la forêt de Compiègne.
Entre 13h30 et 16h40, un aviateur observe le repli rapide des troupes françaises de Nanteuil vers Dammartin. Selon son rapport les villages de Betz, Macquelines, Bargny, Lévignen, Ormoy-Villers brûlent, mais ne semblent pas être occupés. Il y a très peu de troupes sur les axes Villers-Cotterêts - Crépy en Valois, Villers-Cotterêts - Nanteuil, Crépy - Nanteuil; et rien à l'ouest de la route de Crépy à Nanteuil, Par contre d’âpres combats se déroulent dans le triangle Nanteuil, Betz, Bouillancy; mais aucun rassemblement n’est repéré entre Betz et Mareuil-sur-Ourcq. Un aviateur, rentrant à 16h30, ne signale aucune fraction ennemie à l'ouest de la route de Crépy-en-Valois à Compiègne, sauf un bataillon dans la région de Verberie; rien non plus sur les routes de Senlis à Creil et à Pont-Sainte-Maxence. Il a assisté à l'opération du corps de cavalerie sur Rozières et constaté dans cette région la présence d'une batterie au Fourcheret, de deux à Versigny, de quelques escadrons avec trois bataillons autour de Rozières.[1] 11 septembre « Départ à 7 heures des deux escadrilles et de trois avions Morane Saulnier (arrivés la veille) pour Villers-Cotterêts. Arrêt à Bargny par suite de la pluie. Arrivée à Villers-Cotterêts (terrain de Pisseleux) à 9 heures. » (Archives Prot) Le 12 septembre, le très mauvais temps empêche le travail de l’aviation. 13 septembre, « à 2 heures du matin gros orage, les tentes sont enlevées. Deux avions sont abimés. Le seul intact, celui du caporal Prudhommeau, part à 14 heures en reconnaissance. » (Archives Prot) 15 septembre D'importants rassemblements ennemis sont signalés par les avions au Nord de Soissons; il est possible que l'ennemi cherche à forcer le passage de l'Aisne dans cette région. Les reconnaissances d'avions ont signalé, dans la matinée, de gros rassemblements à Nampcel, Morsain et dans toute la région Nouvron, Pasly, Terny, au N. 0. de Soissons. Il semble que ces forces correspondent au moins à 3 ou 4 corps d'armée (IXe, IVe, IIe, de l'Ouest à l'Est, dans la région de Vaurezis et en outre le IIIè à cheval sur la route Soissons, Laon).
La stabilisation du front amène un changement du type de mission de l’aviation qui va être mise au service des Corps d’armée. 17 septembre L’escadrille MF 16 séjourne à Vauciennes et développe l’observation du front et l’assistance au réglage d’artillerie. Les lieutenants Cesari et Mouillères vont à Tracy-le-Mont se mettre au service du 4e Corps d’armée. Le lieutenant Cesari vole une heure trente à la recherche d'objectifs d'artillerie. Le caporal Touvet rejoint à Vic l’artillerie du 7e Corps d’armée. Avec le lieutenant Thobie, il fait une reconnaissance d'artillerie d’une heure vingt minutes. Il rentre au terrain d’aviation de Vauciennes le soir après ses missions.
[1] Il s’agit de l’action du Corps de cavalerie Sordet. |
Fourny au poste de son Henry Farman Lieutenant Hugel Capitaine Mauger Devarenne chef d’escadrille MF 16
La reconnaissance aérienne effectuée le 2 septembre 1914 par le lieutenant Cesari et son mécanicien observateur Vaubourgeix. Ce vol de reconnaissance par les informations recueillies eut une grande part d'influence sur les décisions du général Joffre d'attaquer le flan de l'Armée Allemande. L'attaque devait effectivement être déclenché par la 6e Armée le 5 septembre 1914, prélude à la bataille par laquelle L'ARMEE FRANCAISE allait obtenir la grande victoire de la MARNE.
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