Groupe de bombardement  4

[Une mise en place laborieuse] - [Bombardement d'Absheim] - [Bataille d'Oberndorf] - ]Seconde bataille de la Marne]

 

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Escadre de bombardement


 

 

Printemps 1918: la seconde bataille de la Marne

Le contexte:

« Notre aviation dans la bataille.
(L’ILLUSTRATION N°3925. 25 MAI 1918)


Guynemer venait de disparaître. Avec lui mourait l’ère de l’aviation chevaleresque et déjà des méthodes nouvelles, éprouvées à la Malmaison, ouvraient à la cinquième arme de larges perspectives d’action. L’hiver de 1917-1918 s’annonçait comme une période de préparation intense.
Que serait le printemps ? La question était sur toutes les lèvres. Les moins avertis attendaient pour les premiers beaux jours des luttes aériennes formidables.  On savait que des hommes compétents, militaires et industriels, s’occupaient de nos escadrilles, travaillaient à produire et à organiser, mais l’œuvre se présentait difficile, vaste, longue. Aurions-nous à la date voulue la supériorité stratégique et tactique, celles de la vitesse et de l’armement, celles du nombre et de l’emploi ?
Les bruits les plus absurdes coururent, signe de la nervosité publique. La presse conta que l’Amérique nous enverrait avant mars 20.000 avions montés. Que ne pouvait-on espérer d’une pareille armée de l’air. !
L’Allemagne s’en émut. Elle aussi se livrait à de grandes espérances aériennes et un des résultats de notre crédulité fut de surexciter l’effort de notre adversaire.
Chez lui et chez nous les usines ronflèrent ; l’aviation qui cherchait sa voie depuis trois ans et demi, paraissait sur le point de la trouver. Elle devait conquérir d’un coup sa place, une place prépondérante, insoupçonnée jusque-là. Les autres armes avaient fourni ce qu’on en présumait. Leur ancienneté limitait leur avenir. Mais la plus jeune, la dernière venue de la guerre, après une prestigieuse adolescence, promettait une triomphante maturité. Son organisme se développait avec sa stature. Elle s’affirmait adulte dans le choc.
Les Allemands poursuivaient des desseins parallèles aux nôtres. Ils créaient des escadres de bombardement et de chasse, multipliaient les raids nocturnes, prétendaient bientôt lancer des appareils géants, concentrer des effectifs contre lesquels toute résistance serait vaine.
La trahison russe leur donna l’initiative des opérations. Elle libérait les masses de leur infanterie. Ils pouvaient choisir leur heure. Nous ne songions, faute d’effectifs qu’à bien les recevoir. Néanmoins, en ce qui concerne l’aviation, la lutte s’annonçait plus égale, et pour chaude qu’elle dût être, nous comptions faire mieux que résister. Nos aviateurs l’attendaient donc d’un cœur ferme, bien qu’un programme aérien lié à un plan défensif d’ensemble fût moins favorable à l’aviation qu’un plan offensif général.
Le 21 mars, les Allemands, négligeant le front français, ont attaqué  sur la cinquième armée britannique. La surprise faillit leur réussir. Le front anglais rompu, la route de Paris serait ouverte, on a vu ici même, dans les articles de Gustave Babin, par quel magnifique rétablissement les divisions françaises fixèrent l’ennemi après une semaine de combats. La course à la soudure entraîna nos armées vers l’Ouest et vers le Nord, les faisant passer en douze heures de la guerre de position à la guerre de rase campagne. Notre aviation subit le sort général. Elle exécuta la volte-face avec une rapidité prestigieuse et se trouva face à l’envahisseur plus mordante que jamais. Le rôle qu’elle a joué depuis la fin de mars mérite qu’on l’explique, et les services rendus par elle qu’on les reconnaisse.

La concentration
Le premier tour de force accompli par nos unités aériennes fut de se déplacer à temps des régions où elle se trouvait, en Picardie. Cela exigeait une reconnaissance préalable des terrains possibles ; l’installation de ceux qu’on choisissait ; le transport des avions, des ateliers, des hangars, du matériel, des mécaniciens, des manœuvres ; l’établissement de liaisons entre les terrains, l’armée, les corps d’armée, les parcs dont le déménagement avait lieu en même temps ; en fin un plan de travail nouveau adapté aux circonstances.

Les chemins de fer, les routes étaient encombrés de fantassins expédiés en hâte. La nécessité de leur arrivée immédiate primait toute autre urgence. Néanmoins nos escadrilles furent à pied d’œuvre plus vite que ne l’espéraient les plus optimistes. Telle formation importante, alertée vers 17 heures, effectuait la nuit un voyage de 150 kilomètres et lançait à midi cent avions dans la bataille. Des avions de bombardement, pour gagner du temps, passèrent par dessus l’ennemi et lui jetèrent leurs bombes en route. Par voie de fer et de terre, le matériel et le personnel accomplirent jusqu’à 400 kilomètres sans que wagons ni voitures restât en route. Les tribulations de certaines unités donnent le vertige. Des affectations successives à des corps différents les forcèrent à changer de terrain plusieurs fois de suite Elles n’interrompirent pas pour cela leur besogne. L’une d’elles, en trois jours, les 24, 25 et 26 mars occupa trois terrains. Elle partait d’un point, survolait le boche, délimitait ses lignes, attaquait ses troupes et atterrissait au lieu où, durant ses patrouilles, son matériel et son personnel avaient été transportés. En dépit de la surprise, grâce à une concentration presque instantanée, notre aviation a pu tenir sa place dans la bataille aussitôt que nous y fûmes engagés.
La souplesse du commandement et l’initiative des individus se rencontrèrent pour parer à toutes difficultés. L’emploi de l’arme fut d’abord conditionné par la situation.. La situation elle-même se modifia sans cesse. Notre aviation s’y adapta à mesure. Pour comprendre son rôle il faut donc distinguer les périodes de la bataille. A prendre les choses dans l’ensemble on en voit deux principales : la période du repli du 22 au 31 mars, celle de la stagnation du 1er avril à aujourd’hui.. Lorsqu’on envisage spécialement la question du combat aérien, d’autres
divisions se présentent qui correspondent aux attitudes successives de la chasse ennemie. Enfin le jeu des causes d’où procèdent les caractères actuels de la guerre aérienne et le rapport qu’ils soutiennent avec les préparations de l’hiver ne sauraient être passés sous silence. On y verra le fondement d’un avenir que tout Français peut considérer avec satisfaction.

LA PERIODE DU REPLI : DU 21 AU 31 MARS.
La retraite anglaise et l’échelonnement régressif de nos troupes de secours à mesure de leur arrivée au contact rendaient impossible la division du travail telle que l’avait établie la guerre de tranchées. Du 21 au 31 mars la caractéristique de notre action aérienne est que chaque avion y remplit au besoin toutes les missions. Il n’y a plus à proprement parler d’escadrille d’observation, de bombardement ou de chasse spécialisées dans des fonctions exclusives. Il y a des escadrilles qui s’emploient selon la nécessité et remplissent des tâches réservées jusque-là à d’autres qu’elles. On voit des appareils d’artillerie lourde accomplir des reconnaissances, opérer des jalonnements et mitrailler. Des avions d’observation attaquent les batteries allemandes à la mitrailleuse, des bombardiers servent d’estafette.
Les monoplaces de chasse, qui compensent le manque de champ visuel par la mobilité, rendirent d’éminents services à l’observation. Ils allaient et revenaient vite, moins vulnérables au tir terrestre que les appareils plus lourds, et leurs pilotes se pliaient avec intelligence à un métier nouveau pour eux.
Nos observateurs, improvisés ou non, avaient une tâche délicate. En ces jours où le front subissait de perpétuelles fluctuations, la photographie ne servait de rien. Durant les trois heures nécessaires à la prise, au développement et au tirage des clichés, le front s’était modifié à n’en faire que des documents d’archives. les aviateurs travaillaient donc à vue. Ils notaient dans leur mémoire, par croquis ou
par phrases brèves ce qu’ils avaient vu.
Le temps était mauvais, nos troupes disséminées sur des lignes trop longues pour leurs effectifs, sans tranchées, par paquet, n’ayant pas leurs panneaux de signalisation, qui rejoignaient avec le reste du matériel, ne pouvaient pas faire à nos avions les signes habituels. On les jalonnait au ras du sol sur la foi des casques.
Ces casques étaient pour l’aviateur ceux de soldats français quelconques.
Les bataillons d’infanterie, débarqués au contact au fur et à mesure de leur arrivée, se trouvaient forcément mélangés. L’avion ignorait l’unité qu’il survolait, aucune liaison antérieure n’ayant pu la lui rendre familière. Il ne pouvait transmettre ses renseignements que par message ou de vive voix au P.C. le plus proche.
Les réglages d’artillerie n’exigeaient pas moins d’initiative. Jusque-là les batteries fixaient en général à l’aviateur l’objectif de tir à surveiller. Les cas où l’aviateur l’indiquait lui-même étaient exceptions.. Pendant le repli, l’exception devint la règle. L’artillerie, sans cesse en déplacement, ne pouvait ni posséder la topographie de son champ de tir, ni observer les objectifs fuyants qui s’y mouvaient. Ce fut donc l’avion qui, à des batteries dont il ne savait rien en dehors de leur présence, signalait les rassemblements, les colonnes, les nids de mitrailleuses légères sur quoi nos 75 faisaient merveille.
Le zèle, le courage, l’intelligence de nos aviateurs leur permit de renseigner à toute heure le commandement sur les mouvements tactiques de l’ennemi. La consigne suivie spontanément par tous était de n’exécuter aucun vol infructueux et, à défaut du résultat cherché, d’en obtenir un quel qu’il fût. Le résultat d’ensemble est que les chefs ont été tenus au courant sans cesse des modifications du front de bataille et ont pu prendre leurs décisions en connaissance de cause.
Au delà des lignes à proximité desquelles nos avions recueillaient les renseignements tactiques indispensables, d’autres avions procédaient aux longues reconnaissances. Ils s’en allaient jusqu’à 100 kilomètres, exécutant chez l’ennemi des parcours de 300 kilomètres. A ces distances la photographie reprenait son utilité. Elle décelait les courants des réserves allemandes, les organisations de fixité relative et qui ne pouvaient se modifier dans l’espace d’une journée. L’aviation française a donc été dès le début de la bataille l’œil vigilant du chef dont la vue s’étendait jusqu’aux points stratégiques du plan adverse.
Elle a rempli pour le commandement un autre rôle aussi utile qui consista à assurer les liaisons. Le recul continuel ne permettait pas l’installation du téléphone avec l’avant ; l’encombrement des routes empêchait de compter sur les automobilistes, qui d’ailleurs manquaient ; le mélange et la mobilité des corps rendaient les recherches des agents de liaison interminables. Les avions portaient des ordres, rapportaient des renseignements, reliaient les divisions aux corps et à l’armée.
Notre aviation n’avait pas qu’à renseigner et à relier : elle eut aussi à assurer notre liberté d’observation et à ralentir la marche de nos adversaires. Elle combattit avec un cran qui n’a pas baissé depuis.
Jamais elle n’avait connu pareils objectifs. Que nos aviateurs naviguassent en groupe ou isolément, ils rencontraient des colonnes massives d’hommes, de camions, de matériel, les mitraillaient à basse altitude ou lâchaient sur elles leurs bombes. Ils voyaient de leurs yeux les effets de leur tir, les hommes aplatis ou fuyants, les chevaux tués ou emballés, les ponts ou les carrefours embouteillés, les camions en flammes ou sautant. Ils allaient en patrouille ou isolément. Ils combinaient ou non leurs actions. Ils combattaient contre l’infanterie et contre l’artillerie, aussi bien que contre les avions. Les résultats militaires sur le champ de bataille et sur les arrières ennemis ont été considérables.
Le 27 mars, 60 avions de chasse combinés avec 20 appareils de bombardement descendirent jusqu’à 20 mètres sur de gros rassemblements. Le soir du 22 mars, alors que les Allemands passaient la Somme à Ham, une action semblable retardait sensiblement la marche de deux divisions allemandes qui tournaient l’armée anglaise. Dans une heure critique où se produisait une rupture entre notre gauche et la droite britannique, l’aviation alliée boucha le trou. Le jour et la nuit, nos bombardiers incendiaient les dépôts de matériel et les gares. Sur les arrières lointains, ils n'étaient pas moins actifs que sur les arrières immédiats du front. Dans la nuit du 23 au 24 mars, l’Anilin und Soda Fabrik de Ludwigshafen reçoit 5.000 kilos de projectiles et le terrain de Frescati, près de Metz, 6.000. Les gares de Cambrai, de Saint-Quentin sont soumises à des bombardements systématiques. Le terrain d’aviation de Champien, autrefois français, puis anglais, puis allemand, fut si bien maltraité que les Boches, dégoûtés, le quittèrent. Les dires des prisonniers, les carnets de route recueillis sur eux et sur les cadavres s’accordent à témoigner que notre aviation causa de lourdes pertes en hommes et en matériel à nos ennemis, sans compter ni la gêne apportée dans leurs mouvements par les embouteillages, par le rassemblement des unités dispersées qui leur dura parfois deux ou trois heures, ni l’effet moral de notre incontestable maîtrise de l’air.
Cette maîtrise ne fut pas donnée à notre aviation ; ce serait diminuer son mérite que de ne pas dire qu’elle l’a conquise.
Les Allemands ont attaqué et se sont défendus par tous les moyens. Le 23 et le 24, tandis que leurs divisions descendaient du canal Crozat sur Noyon, leur chasse couvrait leur flanc gauche et voulait nous interdire de franchir la Somme. Dans la région Chauny, Pessy, Golancourt, Coucy-le-Château, Anizay-le-Château, le 23, dans celle de Chauny, Pessy, Golancourt, le 24, elle formait des barrages continus de patrouilles de 8 à 10 monoplaces. Les défenses de terre les appuyaient.
Nos pilotes passèrent de force, se firent homologuer dans ces parages 8 avions, en abattirent 7 autres non homologués et s’en tirèrent sans pertes. Nos reconnaissances percèrent l’ennemi culbuté.
Par contre, les 25, 26 et 27 mars, l’aviation boche ne parut pas dans la bataille. L’éloignement de ses terrains qu’elle déménageait, la prudence, l’étonnement de voir nos chasseurs devant elle, l’entravaient. Quelques biplaces seuls travaillaient à l’intérieur de leurs lignes ; mais nos avions attaqués en l’air par intermittence, étaient continuellement en butte aux balles de terre. Ils volaient d’ailleurs si bas qu’ils offraient des cibles commodes. Ils rentraient criblés. D’aucun atterrissaient avec une centaine de déchirures dans leurs toiles, d’autres avec un plan brisé, beaucoup en vol plané, à la suite d’une panne sèche au-dessus de l’ennemi. Des pilotes blessés ramenèrent leur observateur tué. Inversement des observateurs, leur pilote ayant été tué, furent assez habiles pour se glisser à leur place et conduire l’appareil jusqu’à nos lignes… Certains monoplaces et certains biplaces ne sont pas revenus. Mais si regrettables que soient nos pertes, elles sont petites en comparaison du travail fourni. A ne considérer que les destructions d’appareils, nous avons, pour cette période, un appareil détruit pour quatre allemands. Et chacune de nos pertes représente des centaines de victimes allemandes, des destructions matérielles ou des avantages tactiques qui la compensent largement. 

LA PERIODE DE STABILISATION : AVRIL-MAI
Notre front commença de se fixer entre Noyon et Montdidier le 28 mars. Le 1er avril il était stabilisé et ne devait plus subir au Nord que des modifications de faible envergure.
Durant ces quatre jours, le caractère de la lutte aérienne changea. Elle évolua dès lors, vers son ancienne organisation en lui superposant les méthodes neuves de la chasse et de bombardement que notre matériel et notre préparation nous mettaient à même d’appliquer.
Tandis que l’aviation allemande se ressaisit après une courte défection de trois jours, notre aviation retrouve l’ordre et le jeu normal de ses rouages.- - -.
Le 29, les escadrilles de corps d’armée photographient les positions d’artillerie et d’infanterie ennemies que nous venions de fixer au sol. Ces escadrilles sont en liaison avec des unités qu’elles connaissent. Les clichés sortent et sont utilisés avec profit. Les avions d’infanterie jalonnent sur les panneaux que les fantassins installent et les avions d’artillerie règlent pour des batteries maintenant connues d’eux et ravitaillées.
La chasse, elle, retourne au combat aérien. Pourtant jusqu’au 6 ou 7 avril on la verra mitrailler encore des objectifs terrestres- - -
 Tout en laissant aux pilotes la liberté de leur action individuelle quand la situation les y engage, on leur prescrit de conduire les attaques en nombre et contre des buts importants. Les escadrilles de chasse se dégagent peu à peu des attaques terrestres pour se consacrer, avec des méthodes nouvelles (patrouilles à gros effectifs et effets de masse), au combat  aérien qui est leur propre et protéger ainsi le travail des avions de ligne.
Pendant le mois d’avril on a pu voir, sur notre front, les avions de corps d’armée travailler près du sol sous la protection des patrouilles de chasse, alors qu’au dessus de celles-ci de véritables escadrons aériens balayaient le ciel, laissant le champ libre à des escadrons de bombardiers qui s'en allaient opérer au loin. On a vu, sur des points intéressants, des concentrations de monoplaces jusqu’alors inconnues interdire au Boche tout un secteur. On a vu, dans une seule affaire, une de nos grosses unités de bombardement, en six expéditions à l’intérieur du triangle Roye, Chaulnes, Rosières-en-Santerre, déverser en une journée, sur le sol couvert de Boches, 19.000 kilos de projectiles et la nuit suivante, 18.000.
L’entraînement subi depuis longtemps par nos pilotes les prédisposait à ces manœuvres en groupe- - -
 Nous possédons aujourd’hui une armée aérienne à fortes unités capables d’opérations tactiques. Le 16 mai, nous avons sur un seul point réuni le plus grand nombre d’avions groupés que la guerre ait encore lancé dans une opération : 200 aéroplanes français, soumis à une seule direction, ont démontré à l’ennemi que nous tenions la supériorité de l’air. Depuis six semaines, notre armée aérienne s’exerce et perfectionne ce qui fait la cohésion de toutes les armées : ses liaisons. Nos efforts d’une année ont porté leurs fruits.
Depuis le 21 mars, nous avons accompli ce que nous avons voulu, culbuté la résistance ennemie partout où elle s’est manifestée, empêché les Allemands de travailler et travaillé nous-mêmes à peu près librement. On peut donc dire avec certitude que notre aviation a vaincu l’aviation allemande.

LA SUPERIORITE DE NOTRE AVIATION.
Ce succès ne doit pas donner prétexte à une sécurité dangereuse ou à des vues exagérées touchant l’avenir. La manœuvre des masses aériennes n’est réalisable que par temps absolument clair. Dès qu’il y a des nuages, l’impossibilité d’y voir loin et le danger des rencontres interdisent les très fortes patrouilles aériennes. On est obligé de les fragmenter, de pratiquer même la chasse individuelle. Rien du passé n’a disparu dans notre aviation, mais des nouveautés ont apparu qui se ramènent toutes à celles du nombre.
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Voilà longtemps que se maintient la proportion de trois appareils allemands abattus contre un français. Une journée de Fonck a donné 6 contre 0. Dans les batailles sur la Somme des 23-24 mars nous avons chiffré 15 contre 0. Il faut des passes de malchance pour nous ramener à la moyenne de 3 contre 1. Or la guerre dure, et si l’Allemagne a trois appareils à remplacer chaque fois que nous en remplaçons un, elle a trois fois plus de matière et de travail d’usine que nous à fournir rien que pour se maintenir. Qu’une crise de production survienne, elle sera donc fort gênée.
Il semble bien que cette crise a eu lieu. Les dernières préoccupations de Richthofen le prouvent. Il avouait qu’il serait bientôt impossible de voler sur notre front si l’industrie allemande ne produisait pas des monoplaces en grand nombre et supérieurs à ceux en cours par la qualité. Il voyait juste. Les problèmes d’aviation ont toujours deux faces : l’une comprend l’organisation et l’emploi de l’arme, l’autre la production industrielle, et celle-ci commande l’autre, car l’emploi tactique est fonction directe du matériel disponible.
La question d’emploi ne se pose plus. Nos avions composent un personnel incomparable auquel on peut demander tout ce qu’on veut. Nos écoles les instruisent et leur formation professionnelle à l’arrière et au front est assurée.
Les chefs actuels de l’arme sont ceux qui l’ont amenée où elle est. Encore n’ont-ils réalisé qu’une partie de leur programme tactique et stratégique et leur compétence comme leur zèle restent entiers.
Le secret de la victoire gît donc dans l’activité de notre industrie. Sans elle ni la vaillance des exécutants, ni l’esprit d’organisation des chefs ne pourront conserver l’avantage qu’ils ont pu acquérir grâce à elle. Toute la nation, celle qui se bat et celle qui produit, a remporté la victoire. Il dépend de toute la nation de la perpétrer.
L’Allemand le sait, nous devons le savoir. Notre supériorité actuelle vient de ce que, chaque fois que nous l’avons voulu, nous avons envoyé sur le point intéressant une force aérienne assez considérable pour que, même en y lançant ses réserves, le Boche ne pût pas nous y opposer une force plus massive. Le seul moyen de nous empêcher de continuer, de progresser sans cesse en gardant et en augmentant notre avance, serait de provoquer chez nous soit une pénurie de matières premières, soit un arrêt de la main-d’œuvre : Jamais l’heure de travail n’a eu plus d’importance pour nous : c’est quand on prend le dessus que l’effort rend au centuple. C’est donc le moment où le temps doit être le plus intensivement employé. Le Boche est atteint, entravé dans sa production. La nôtre est libre. L’emploi nouveau et vainqueur de l’aviation repose sur le nombre, le nombre sur la main-d’œuvre. Tout ouvrier d’aviation qui chôme, qui néglige une pièce ou un montage, brise dans la main de nos combattants l’arme neuve, l’arme d’avenir dont l’utilisation présente garantit l’efficacité future. Pendant un hiver de magnifique préparation, l’industrie française a forgé l’instrument de notre supériorité présente. Elle a handicapé l’industrie adverse. Elle a triomphé par nos aviateurs. Ce qu’elle vient de faire montre ce qu’elle a à faire. Le secret en est simple : continuer.
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