Les Patrouilles de Chasse
Par le Capitaine DEULLIN
Escadrille Spa 73
Secteur Postal 15. Novembre 1917
Les Patrouilles de Chasse
Depuis l’offensive de la Somme, c’est à dire depuis environ un an, les conditions de la chasse ont complètement changé.
A cet époque, le monoplace était Roi.
Laviation ennemie était complètement démoralisée, les avions de réglage et de courte reconnaissance cherchaient à passer les lignes le mois possible, par surprise, en profitant d’u instant où le ciel serait libre.
Les patrouilles de barrage de 2 ou 4 biplaces tournaient bride et se débandaient sous l’attaque d’un seul Nieuport. Quant aux monoplaces, ils marchaient soit isolément, soit par deux, manoeuvraient mal, refusaient systématiquement le combat et étaient presque toujours une proie facile.Les patrouilles françaises n’obtenaient qu’un résultat : faire le vide. Tout disparaissait devant elles, pour revenir après ler départ.
Elles n’ont presque jamais pu descendre de boche.
Le monoplace, isolé, au contraire, pouvait ruser, se dissimuler plus facilement dans le sleil, la brume ou les nuages, profiter des champs morts visuels de ladversaire, exécuter les attaques foudroyantes quon ne peut demander à une grosse patrouille.
Peu à peu, les conditions changèrent.
L’ennemi, instruit par lexpérience, coordonna ses efforts et forma des patrouilles de biplaces et des patrouilles de monoplaces parfaitement disciplinées.
Leur cohésion leur permet d’abord de résister aux attaques isolées, puis de prendre à leur tour l’offensive et de descendre assez facilement les français qui se risquaient de l’autre côté des lignes.
Après quelques essais infructueux ou même cuisants, nos chasseurs durent se convaincre que l’ère de l’isolé était fini et qu’il allait chercher autre chose.
On forma des patrouilles, et là, comme en beaucoup d’autres choses, on voulut aller trop vite et faire marcher ensemble une escadrille complète.
Le morceau était toujours gros. Le rassemblement était long et laborieux. Le groupement, à peu près possible tant que le chef de patrouille marchaoit droit, se transformait en un magnifique désordre à la moindre manaoeuvre.
Nous ne parlerons pas du combat où chacun partait de son coté sans unité de tactique, et sans discipline, et où le chef de patrouille était impuissant à se faire obéir, trépignait de rage sur son palonnier et hurlait dans le vent d’aphones imprécations.
Il fallut simplifier. On imagina la patrouille de trois.
Après quelques tâtonnements, les résultats devinrent bons. L’ordre en triangle était facile à conserver tout en permettant une grande souplesse de manœuvre. Chaque Pilote savait par avance, ce qu’il avait à faire dans chaque cas, et, suivant uniquement le guide, ne pouvait être influencé par les erreurs de manœuvre de ses camarades. Dans tous les combats, le guide, facile à suivre et à reconnaître, puisque chaque pilote n’avait que deux camarades à surveiller, pouvait maintenir l’ordre, contrôler son monde, attaquer ou rompre le combat à volonté, sas se laisser accrocher indéfiniment par un étourdi.
Et dans la pratique, surtout quand parut le Spad 180 H.P., la patrouille de trois se montra très suffisamment forte pour attaquer avec succèsun groupe de 5 à 6 allemands (nombre qu’ils affectionnent particulièrement).
Il sembla prouvé que la grosse patrouille, bonne pour un barrage défensif dans ses lignes, était impraticable comme groupement offensif de l’autre côté des lignes, groupement dont les qualités maîtresses doivent être la vitesse, la maniabilité, la cohésion et l’obéissance parfaite au guide.
Mais rien n’est parfait. Les avions, et surtout les moteurs ont souvent des défaillances. Toutes les patrouilles ne se poursuivent pas pendant xxxxx à effectif complet, et souvent un pilote est obligé d’abandonner la xxxx suite d’un incident de route.
Réduite à deux, la patrouille devient trop faible.
Pour parer à cet inconvénent, on en vint à la patrouille de quatre.
Elle eut un peu moins de maniabilité de cohésion que la patrouille xxxx mais, à moins de malchance notoire, permit des rondes régulières de xxxxx avec effectifs honorables. Elle est à peu près généralement adaptée maintenant par la moyenne des escadrilles, sauf pour quelques fins chasseurs sûrs d’eux-mêmes, qui préfèrent la petite patrouille légère et manoeuvrière.
La patrouille de 3 marche en triangle, le guide en tête. Les deux autres appareils suivent à environ 200 mètres de distance oblique à 45 °, de façon à former un triangle rectangle. Ils se tiennent légèrement plus haut que le guide (50 à 100 mètres) pour pouvoir par un piqué, rattraper un retard ou une erreur de manœuvre.
Cette formation présente de nombreux avantages
1°- Elle est facile à conserver sans grande attention puisque les 2 pilotes arrière sont certans en gardant leur place, par rapport au guide, de conserver automatiquement leur place, l’un par rapport à l’autre.
Ils n’ont pas besoin de se surveiller sans arrêt réciproquement et ont plus de liberté d’esprit pour examiner le ciel.
2°- Dans les conversions larges, l’appareil extérieur conserve sa distance en coupant au virage.
3°- Dans un demi-tour, chacun vire individuellement sur place. Celui de droite se retrouve à gauche, et réciproquement. La formation n’est pas changée. Chacun surveille le ciel tout autour de soi, et tâche de découvrir l’ennemi et d’éviter les surprises ; car le plus grand danger que puisse courir une patrouille de monoplaces est d’être surprise et attaquée par une patrouille de monoplaces ennemis plus élevée.
Il est de toute nécessité, surtout s’il y a de jeunes Pilotes d’éviter le combat dans ces conditions, et de ne pas l’accepter qu’à l’altitude supérieure ou au moins égale.
Actuellement, la supériorité incontestable du Spad sur l’Albatros à tous les points de vue vitesse, montée et maniabilité, permet toujours à un Chef de patrouille expérimenté d’accepetr ou de refuser le combat, et surtout d’attaquer à son choix, et de mener la lutte à sa guise.
On rencontre actuellement une forte majorité de patrouilles de monoplaces ennemis, quelques reconnaissances de 2 ou 3 biplaces, de plus en plus rarement un mélange des deux, surtout dans nos lignes.
L’Allemand, grâce à son esprit de méthode a vite compris que faire convoyer des biplaces par des monoplaces constitue une lourde faute, puisque cela paralyse le monoplace, obligé de susivre dans son sillage, souvent àfaible altitude, un camarade lent et peu manœuvrier, et que ce monoplace, obligé de faire face à l’ennemi éventuel, qui attaquera presque toujours par derrière, devra abandonner son biplace et le laisser se débrouiller seul (Les Anglais ont également compris la situation et font accompagner leurs avions de bombardement par des biplaces de chasse Bristol).
Attaque de monoplace.
Le plus beau combat, celui qui demande le plus de finesse et d’expérience, cv’est la rencontre de monoplaces.
Quand le chef de patrouille a aperçu l’ennemi et a résolu de l’attaquer, il fait à ses Pilotes le signal « Garde à vous », en balançant son avion de droite à gauche, et commence à manœuvrer l’adversaire.
La manœuvre est plus ou moins longue, plus ou moins difficile.
Il faut sassurer l’avantage d’altitude, de soleil. Dans la pluspart des patrouilles boches, un avion isolé se tient environ 1000 mètres plus haut que ses camarades, prêt à piquer traitreusement sur l’ennemi qu ela grosse patrouille peut allécher. Il faut le découvrir, monter à sa hauteur, l’abattre ou l’obliger à redescendre au niveau de ses camarades. La manœuvre heureusement amorcé, le Chef de patrouille donne le signal de l’attaque en observant l’adversaire qu’il a choisi. Un de ses pilotes, désigné d’avance, le suit, prêt à le dégager, ou à profiter d’une occasion ; le troisième reste au-dessus, surveillant tout le combat et toujours prêt à secourir celui de ses camarades qui se trouverait en mauvaise posture.
Le combat se déroule suivant les principes du combat de monoplaces (voir le combat en monoplace), avec cette différence que l’attaque sous la queue devient presque impossible. Les Albatros se mettent généralement en cercle, chacun protégeant les derrières de son camarade. L’un d’eux a attaqué. Il pique et entraine son ennemi dans la queue sous le feu de celui qui le suit.
Aussi ne faut-il jamais se laisser à la poursuite d’un Albatros qui pique au milieu de la bande. On doit toujours, même si cela vous fait manquer une belle occasion, se maintenir plus haut que l’ennemi le plus élevé et attaquer uniquement ce dernier en piquant soit par derrière soit de face sans jamais réduire son moteur afin de pouvoir conserver toujours un excédant de vitesse et de puissance permettant la chandelle qui vous rendra votre altitude dominante.
Les pilotes entrainés à l’attaque et au tir de face en piquant trouveront là de magnifiques occasions mais ce coup est difficile et demande de l’entrainement, beaucoup de vitesse de manœuvre et une certaine habitude de tir (voir figure).
Attaque de biplaces
Si la patrouille rencontre un biplace isolé, ée guide attaque le premier, suivi des autres appareils qui font attention les uns aux autres pour ne pas se gêner réciproquement.
Si la patrouille rencontre un groupe de biplaces, chacun choisit et attaque individuellement son adversaire.
La patrouille de quatre marche en losange et manœuvre de façon identique. Dans l’attaque, les N° 2 et 3 descendent en échelon derrière le guide. Le N° 4 reste en réserve. Il ne doit, sous aucun prétexte prendre part au combat tant que celui-ci se déroule normalement et se tient toujours prêt à dégager un camarade.
Peut-on constituer un groupement plus important ? On forme 2 ou 3 patrouilles de 3 ou 4 marhant en liaison.
S’agit-il d’un parcours déterminé
La 2ème patrouille suivra exactement la 1ère à environ 800 mètres de distance et 150 mètres plus haut.
Veut-on faire la police d’un secteur ?
Les deux patrouilles exécutent dans ce secteur un chassé-croisé, de façon à viser ensemble aux points extrêmes et à se croiser au centre.
C’est là le meilleur moyen de barrer un front le plus complètement tout en gardant une liaison parfaite.
Si une des patrouilles engage un combat, l’autre vient la renforcer en employant la tactique décrite plus haut.
Il n’a guère été fait jusqu’ici de groupement supérieurà 6 ou 8. Il sera facile d’en prévoir, quand le besoin s’en fera sentir en s’inspirant de principes analogues.
On n’a jamais essayé, non plus, jusqu’ici, de patrouille offensive mixte, composée de monoplaces d’attaque en tête, et de biplaces ou triplaces de retraite en queue. Cette formation pourrait être intéressante dans les secteurs où, comme dans les Flandres actuellement, l’ennemi se dérobe, et où il faut porter le combat à 12 ou 15 kiloms., chez lui. Le décrochage est toujours pour le monoplace une manœuvre délicate. Elle pourrait être aidée par les bi-, ou triplaces, doués d’un formidable tri en retraite.
Il est difficile de rien présumer de cette formation, mais l’essai en semble tentant.
Règlement de Manœuvre
Le règlement de « manœuvre » en usage au G.C.12 a jusqu’ici donné toute satisfaction. Au départ le guide indique son remplaçant éventuel et désigne à chacun sa place et son rôle.
Il donne un point de rassemblement à la verticale d’un point donné à une hauteur déterminée. (Si plusieurs patrouilles partent ensemble, du même terrain, chacune reçoit un point et une altitude de rassemblement différents).
Les avions se mettent en cercle à main gauche au point de rassemblement ; le premier qui aperçoit le guide (reconnaissable à son N° ou à ses banderolles) le serre immédiatement à distance et place réglementaires.
La patrouille fait boule de neige et se constitue rapidement.
Dès quelle est en ordre, le guide balance les ailes et part vers les lignes, au ralenti. La seule façon de conserver sa patrouille groupée est de marcher toujours à environ 200 tours de moins que le maximum.
Pedant la march, le guide surveille constamment sa troupe, ralentit ou accélère suivant les nécessités, attend les retardataires.
Il évite autant qu epossible les à-coups, les changements de direction brusques. Il examine continuellement les alentours, et surtout les derrières de sa troupe pour éviter toute surprise.
Code de signaux : les signaux de commandement ou d’avertissement ont été simplifiés à lextrême.
Le balancement d’une aile sur l’autre signifie : « Garde à vous ennemi proche »
Un deuxième balancement : Attaque
Pendant la mêlée, le balancement veut dire : « Ralliement derrière le guide».
Ces trois signaux sont pratiquement suffisants.
Au cours de la ronde, un renversement signifie « Je suis obligé de rentrer ne vous occupez plus de moi. »
Si au cours de la ronde, un Pilote aperçoit un ennemi que le guide semble ne pas voir, il vient à hauteur de ce dernier et l’avertit en balançant des ailes. Sans aucun prétexte, il ne doit attaquer le premier, ni quitter la patrouille pour attaquer seul. Dans l’Aviation plus que partout ailleurs, la cohésion est difficile et exige la plus grande discipline.
Les résultats ont été concluants.
Le principal facteur de succès, et sera toujours un bon Chef de patrouille, et chaque Chef d’escadrille, doit se former avec soin et patience.
Les qualités maîtresses sont :
Une bonne vue
Une bonne expérience,
Beaucoup de tête et la tête froide,
De la prudence qui n’exclut pas la hardiesse
De la décision et de la manœuvre.
Avec cela et une troupe bien entrainée, secondée par la supériorité très réelle de nos avions de chasse, un combat doit presque toujours se terminer heureusement.